jeudi 11 décembre 2008

L'Europe se rapproche d’un accord climatique décisif


Les diplomates de l’Union européenne se rapprochent d’un accord sur l’ambitieux paquet énergie et climat de l’Union juste avant le sommet européen de deux jours qui débute aujourd’hui 11 décembre. C’est ce qu’indique le projet de conclusions du sommet obtenu par EurActiv.Les diplomates plongés dans des négociations marathon ont ouvert la voie à l’obtention d’un accord de compromis sur le paquet climatique de l’UE au cours du sommet. Mais malgré les progrès réalisés sur des éléments essentiels, l’accord est encore incertain et il dépendra en fin de compte des négociations finales entre les chefs d’Etat et de gouvernement lors du sommet qui se tiendra aujourd’hui et demain. C’est du moins ce qui est apparu hier 10 décembre.
ContexteLe 23 janvier 2008, la Commission européenne a présenté une série de propositions visant à transformer en lois les engagements politiques pris par les Etats membres en mars 2007 : réduire les émissions de CO2 et de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2020 et faire passer la part des énergies renouvelables à 20 % de la consommation de l’Union dans le même laps de temps.Ce paquet « énergie et climat » se concentre essentiellement sur deux propositions. L’une est destinée à réviser et à renforcer le système européen d’échange de quotas d’émission (ETS), pilier de la politique européenne de lutte contre le changement climatique. L’autre souligne comment les Etats membres devraient diviser l’effort en matière de partage des réductions d’émissions de CO2 dans des secteurs non touchés par le système ETS.Le paquet renferme également une proposition sur un cadre juridique pour réguler le stockage souterrain du CO2 capté au cours de la génération d’électricité. Les Etats membres de l’UE comptent finaliser le paquet au cours de leur sommet annuel de fin d’année les 11 et 12 décembre.
De l’importance du charbonSelon le projet de conclusions du sommet obtenu par EurActiv, les centrales électriques des pays dont la production d’électricité dépend à plus de 30 % du charbon pourraient recevoir des permis de pollution limités entre 2013 et 2016.Quant aux secteurs industriels prétendument menacés par l’exposition à la concurrence des pays tiers et par l’augmentation des prix de l’électricité générée par les règles de l’UE en matière d’émission de CO2, ils pourraient recevoir, sans bourse délier, jusqu’à 100 % de leurs permis d’émission de CO2 après 2013. De leur côté, les Etats membres pourraient allouer jusqu’à deux tiers de leurs obligations de réduction des émissions de CO2 dans les secteurs non soumis au système ETS en investissant dans des projets de développement propre dans les pays tiers par le biais d’un système coordonné par l’ONU connu sous le nom de mécanisme de développement propre (MDP), selon le projet de conclusions.
Le prix de la solidaritéLe « fonds de solidarité » sera la pièce maîtresse de tout accord. Selon ce système, 10 % des sommes générées par les mises aux enchères dans le cadre du système européen ETS seraient redistribuées pour aider les Etats membres plus pauvres à s’orienter vers une production d’énergie plus propre. Les conjectures vont bon train, certains estimant même que cette somme pourrait être hissée à 12 %.Paris s’est efforcé de minimiser les divisions et les disputes entre les Etats membres au cours des débats sur le paquet climatique. Mais des instruments tels que le fonds de solidarité ont suscité l’agacement de certains Etats membres, notamment du Royaume-Uni, qui a affiché sa circonspection à l’égard du mécanisme. C’est d’ailleurs ce qu’a affirmé Kim Darroch, représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l’UE, aux journalistes rassemblés hier 10 décembre à Bruxelles.Certains craignent en outre que la détermination française à décrocher un accord sur le paquet avant la fin de l’année n’ait mené à une négociation par trop latitudinaire au cours de laquelle les Etats membres ont présenté toute sorte de demandes de dérogations spéciales.
Enrayer la « fuite de carbone »A cet égard, les demandes qui se sont fait le plus entendre ont été celles des industries énergivores de l’UE dans les secteurs du ciment, de l’acier et de l’aluminium. L’industrie lourde allemande a tout particulièrement mis en garde contre le fait que le système ETS augmenterait les coûts de l’électricité et de la production dans une mesure telle que les opérateurs seraient contraints à déplacer leurs usines, leurs emplois et leurs émissions au-delà des frontières de l’UE, entraînant ainsi une « fuite » de carbone. S’il était adopté en l’état actuel, le paquet climatique renfermerait des clauses qui permettraient à l’industrie lourde et à certains sous-secteurs présentant un risque marqué de fuite de carbone d’émettre du CO2 sans contrepartie pécuniaire. Le facteur de risque sera déterminé sur la base d’une méthodologie complexe présentée sur un peu moins de trois pages dans l’annexe du projet de conclusions. Cette méthodologie présente des chiffres se rapportant au niveau attendu d’augmentation du prix de l’électricité ainsi qu’aux niveaux probables d’exposition à la concurrence avec des lois de réduction du CO2 moins strictes.
Un avenir fossileLa proposition de dérogation de trois ans accordée aux centrales à charbon – qui seraient dès lors exonérées d’acheter des permis ETS – se fonde sur une demande de la Pologne, dont la génération d’électricité dépend à 90 % du charbon. La mesure pourrait s’accompagner d’une obligation d’investir dans la diversification du bouquet énergétique et des sources d’approvisionnement pour un montant au moins équivalent à la valeur marchande des permis d’émissions gratuits, selon le projet de conclusions.Jusqu’à 200 millions de permis ETS normalement réservés aux nouveaux entrants dans le système pourraient en outre être réalloués au financement des technologies « propres » de captage et stockage du CO2 (CSC) et autres technologies de la prochaine génération en matière d’énergie renouvelable.
Un sommet de trois jours ?L’accord final reste soumis aux négociations du sommet. De nombreux observateurs s’attendent à ce que les pourparlers se prolongent jusqu’à vendredi 12 décembre à l’aube. Certaines clauses présentes dans le projet de conclusions pourraient en outre changer sensiblement. Mais des sources proches des négociations ont indiqué que l’accord devrait sans doute renfermer des concessions à l’égard de la Pologne et de l’Allemagne. Le 9 décembre, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre polonais Donald Tusk ont fait savoir que l’éventualité d’un veto s’est amenuisée. Certains estiment dès lors que Berlin et Varsovie pourrait obtenir ce qu’ils veulent au cours des négociations.
Le joker du ParlementTout accord décroché par les Etats membres devra recevoir l’aval du Parlement européen, qui doit voter sur le paquet lors de sa séance plénière du 17 décembre. Les eurodéputés les plus en vue dans les négociations ont d’ores et déjà fait part de leur frustration quant à l’orientation des pourparlers.L’offre de 200 millions de permis ETS pour financer la technologie de CSC, par exemple, n’impressionnera sans doute pas l’eurodéputé libéral britannique Chris Davies, rapporteur parlementaire sur le directive cadre sur le CSC. L’eurodéputée écologiste finlandaise Satu Hassi, rapporteur sur la proposition de partage de l’effort, a elle aussi critiqué ce qu’elle considère comme une politique néo-coloniale qui octroie jusqu’à 70 % des crédits de réduction nationaux par le biais de projets dans les pays tiers. Des groupes environnementaux comme le WWF exhortent le Parlement à rejeter le paquet à moins que l’aspect de partage de l’effort ne soit renforcé et que les industries lourdes soient contraintes à acheter davantage de permis d’émission. De son côté, l’eurodéputée chrétienne démocrate irlandaise Avril Doyle, rapporteur sur la proposition ETS, a indiqué qu’elle n’accepterait pas un fait accompli de la part des Etats membres. Elle a affirmé qu’elle soutiendrait une limitation des dérogations destinées à l’industrie sur la base de critères stricts.A Bruxelles, de nombreux observateurs ont toutefois émis des doutes quant au fait qu’une majorité d’eurodéputés – ils sont nombreux à se représenter dans le cadre des élections 2009 – seraient prêts à bloquer l’accord de compromis décidé entre les Etats membres de l’UE.

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